La disparition progressive de la mer d’Aral et ses conséquences environnementales
En 1960, la mer d’Aral représentait la quatrième plus grande étendue d’eau intérieure de la planète. Moins de soixante ans plus tard, sa surface s’est réduite de plus de 80 %, bouleversant durablement l’équilibre régional.
L’assèchement massif de ce bassin a généré des phénomènes inédits à grande échelle : tempêtes de sel, accroissement des maladies respiratoires et effondrement de la pêche. Les initiatives internationales se multiplient, mais les résultats peinent à compenser des décennies de gestion désastreuse.
Plan de l'article
La mer d’Aral : comprendre un effondrement écologique sans précédent
La mer d’Aral, coincée entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, n’est plus qu’une ombre de ce qu’elle fut. Ce qui était jadis le quatrième plus grand lac de la planète a été méthodiquement vidé de sa substance, sacrifié sur l’autel de la culture intensive du coton. Les fleuves Syr Daria et Amou Daria ont vu leurs eaux déviées, détournées, pressées jusqu’à la dernière goutte pour alimenter d’immenses champs. Rien à voir avec un accident de la nature : il s’agit d’un choix politique, assumé, qui a transformé en moins d’un demi-siècle un écosystème vibrant en un désert inhospitalier.
À la frontière du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, le spectacle est saisissant. Là où l’eau s’étendait à perte de vue, il ne reste que des squelettes de navires, échoués comme des rappels muets de la prospérité d’antan. Aralsk, autrefois port animé, se retrouve à des kilomètres du rivage. Le sol, recouvert de sel, refuse de laisser pousser la moindre plante. Ce n’est pas seulement un recul des eaux, c’est un effondrement à tous les niveaux : hydrologique, économique, humain.
Cette disparition brutale a redéfini toute la région. Le volume d’eau s’est effondré, laissant une vaste plaine blanche, sinistre, balayée par le vent. Les populations, du Kazakhstan à l’Ouzbékistan en passant par le Kirghizistan, vivent désormais avec cette cicatrice à ciel ouvert. Chaque donnée, chaque mesure, raconte la même histoire : celle d’un modèle de développement qui a ignoré les limites de la nature, et qui laisse derrière lui un héritage lourd à porter.
Quelles conséquences pour l’environnement, les sociétés et la santé ?
La disparition de la mer d’Aral a entraîné des bouleversements en cascade. Le désert a gagné du terrain, chassant les pêcheurs et coupant les derniers villages de leur activité première. Dans des ports comme Aralsk, la vie s’est arrêtée, les bateaux sont à quai, loin de toute eau. La pêche, pilier de l’économie locale, s’est effondrée en même temps que le niveau du lac intérieur. Les espèces de poissons ont quasiment disparu, entraînant la disparition de savoir-faire, de traditions et, surtout, de moyens de subsistance pour des milliers de familles.
La région a perdu bien plus que de l’eau. La biodiversité locale a été frappée de plein fouet : les oiseaux migrateurs ont déserté ces rives devenues stériles. Et ce n’est pas tout. Les vents arrachent chaque jour des tonnes de poussière salée, chargée de pesticides et d’engrais accumulés lors des années d’agriculture intensive. Cette brume toxique s’infiltre partout, dans les maisons, sur les cultures, dans l’air que respirent les habitants.
Les répercussions sur la santé sont dramatiques. Les cas d’asthme, de cancers et de maladies rénales se multiplient, frappant en priorité les enfants, les femmes enceintes et les aînés. Les campagnes se vident, l’exode rural s’accélère. La catastrophe de l’Aral met en lumière la vulnérabilité d’un équilibre rompu, où des choix de gestion de l’eau, dictés par la productivité à court terme, ont sacrifié la vie et la santé de millions de personnes.

Réhabiliter la mer d’Aral : quelles solutions et quel espoir pour l’avenir ?
Face à ce désastre, la restauration de la mer d’Aral mobilise aujourd’hui une énergie nouvelle. Au nord, le Kazakhstan a misé sur le barrage de Kokaral, construit avec l’appui de la Banque mondiale. Ce projet a permis de remonter le niveau de l’eau dans une partie du bassin, favorisant le retour de certaines espèces de poissons et une reprise timide de la pêche. Pour les habitants, c’est un souffle d’air après des années d’asphyxie.
Plusieurs axes d’action sont explorés pour tenter de limiter les dégâts et, parfois, restaurer un peu de vie :
- Maîtriser les prélèvements dans le Syr Daria, principal apporteur d’eau, en ajustant les pratiques d’irrigation agricole.
- Rénover les canaux, souvent vétustes et responsables de pertes considérables d’eau douce.
- Promouvoir des cultures moins gourmandes en eau sur les immenses surfaces dédiées au coton et au blé.
Ce combat ne se joue pas à l’échelle d’un seul pays. L’avenir de l’Aral dépend d’une coopération entre tous les riverains du bassin. Les progrès observés au Kazakhstan montrent qu’un retour partiel de la vie est possible, mais la situation reste précaire. Plus au sud, en Ouzbékistan, le bassin est toujours à sec, faute d’accords solides sur la répartition des eaux du Syr Daria et de l’Amou Daria. L’enjeu aujourd’hui : éviter que les tentatives de réparation ne restent que des îlots isolés dans un paysage de plus en plus désertique.
Face à l’Aral disparu, la région doit choisir : accepter le silence du désert, ou réinventer un avenir où l’eau, la vie et les hommes retrouvent enfin leur place.